16 jours d’activisme et contexte post-électoral : comprendre la violence numérique faite aux femmes au Cameroun
- Simon Kalla
- 4 hours ago
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Du 25 novembre au 10 décembre 2025, le monde se mobilise pour les 16 jours d’activisme contre les violences basées sur le genre, autour du thème international « UNiTE to End Digital Violence against All Women and Girls ».
Pour le Cameroun, cette campagne offre une occasion précieuse de s’interroger sur un phénomène dont l’ampleur, dans un contexte post-électoral sensible, apparaît de plus en plus déterminante : la violence numérique dirigée contre les femmes.
Loin d’être un simple épiphénomène technologique, elle constitue aujourd’hui un révélateur des dynamiques de pouvoir, des vulnérabilités institutionnelles et des tensions sociales qui traversent le pays.
Un espace numérique à la fois opportun et risqué
L’espace numérique représente un lieu de participation, de mobilisation et d’expression citoyenne. Mais il est aussi devenu un terrain où se prolongent les logiques de domination associées aux violences basées sur le genre.
Dans cet environnement déterritorialisé, la circulation rapide de l’information, la relative invisibilité des auteurs et l’absence de médiations traditionnelles accentuent les risques.
Cyberharcèlement, manipulation d’images, deepfakes, divulgation non consentie de contenus intimes ou usurpation d’identité traduisent une volonté de restreindre l’expression des femmes, d’affaiblir leur légitimité ou de limiter leur participation aux discussions publiques.
Dans la période post-électorale actuelle, marquée par la polarisation des opinions et la reconfiguration des alliances sociales, ces violences acquièrent une dimension stratégique. Elles deviennent des instruments de pression, parfois subtils, visant à modeler la présence des femmes dans l’espace public.
Des fragilités structurelles toujours présentes
Les travaux sur la gouvernance digitale en Afrique subsaharienne soulignent plusieurs vulnérabilités persistantes : accès inégal aux technologies, faible connaissance des outils de protection, mécanismes de signalement encore peu opérationnels, insuffisance de l’accompagnement psychosocial et exposition accrue à la désinformation.
Ce sont ces fragilités, plus que la technologie elle-même, qui expliquent la rapidité avec laquelle les violences numériques se diffusent.
Le Cameroun s’est doté d’une loi relative à la cybercriminalité en 2010, qui pénalise plusieurs formes d’abus numériques. Cependant, comme dans de nombreux contextes en transition, un décalage subsiste entre la norme juridique et son effectivité. L’existence d’un texte constitue une étape importante, mais elle ne suffit pas à garantir une protection réelle pour les femmes confrontées à ces violences.
L’enjeu crucial de l’accès à la justice
Dans sa définition la plus complète, l’accès à la justice suppose que chaque citoyen puisse obtenir un recours effectif permettant de faire reconnaître, protéger et réparer ses droits fondamentaux.
Cette notion renvoie à une architecture articulée : il faut connaître la loi, pouvoir être assisté, accéder aux institutions, bénéficier de procédures équitables et obtenir des réparations concrètes.
Lorsque l’une de ces composantes manque, l’accès à la justice devient théorique.
Dans le cas des violences numériques, certaines femmes manquent d’information, d’autres éprouvent des difficultés à faire enregistrer leur plainte, tandis que d’autres encore n’ont pas accès à l’assistance juridique, aux expertises techniques ou aux mesures de protection nécessaires.
Ces limites ne témoignent pas d’un déficit d’intention, mais traduisent des défis institutionnels réels, notamment en matière de formation spécialisée, d’outils d’enquête ou d’adaptation des procédures aux spécificités du numérique.
Cette tension entre cadre légal et réalité opérationnelle explique pourquoi les violences numériques débordent si souvent dans la vie quotidienne : retrait social, ruptures familiales, marginalisation professionnelle, vulnérabilités économiques ou violences physiques. L’espace numérique agit ainsi comme un amplificateur de dynamiques sociales préexistantes.
Reconstruire la confiance dans l’espace public
Dans les périodes post-électorales, l’espace numérique devient un observatoire privilégié des tensions sociales. La violence dirigée contre les femmes y joue un rôle central en réduisant la participation citoyenne, en fragilisant la confiance collective et en accentuant les rapports de force existants.
Répondre à ce phénomène exige une approche globale : renforcer l’application de la loi, améliorer l’accompagnement des victimes, former les acteurs de la justice et du numérique, responsabiliser les plateformes, et mobiliser les communautés éducatives et locales pour instaurer une culture de vigilance et de solidarité.
Dans un contexte où les équilibres politiques restent délicats, la capacité des femmes à évoluer en sécurité dans l’espace numérique devient un indicateur essentiel de la maturité démocratique du Cameroun.
Les 16 jours d’activisme rappellent ainsi que la protection numérique des femmes ne relève pas uniquement de la technique : elle engage la justice, la participation citoyenne et la cohésion sociale.
Garantir un espace numérique sûr constitue l’un des fondements d’une société inclusive, résiliente et durable.
PAR CHARLES GUY MAKONGO
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Charles Guy Makongo





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